Réimpression du livre épuisé Formaliser le vivant : lois, théories, modèles ? (Hermann, 2010, 388p.).
Cet ouvrage met en lumière une des voies par lesquelles la science contemporaine est entrée dans l’ère des modèles. Par là, il propose de fournir quelques clés permettant d’expliquer comment ce qu’il faut appeler le tournant formel des modèles scientifiques a conduit, à partir du début du 20ème siècle, à une intense et permanente réorganisation des rapports épistémiques entre lois, théories et modèles.
Il est souvent affirmé que la pratique des modèles est aussi ancienne que la science et que l’époque contemporaine n’est nullement une exception à cet égard : le modèle ne serait ainsi au mieux qu’un essai, approché, de théorie. Ou bien il ne serait qu’une représentation analogique partielle et simplificatrice servant à la prédiction ou encore au calcul, comme les pratiques très anciennes des ingénieurs peuvent déjà en montrer l’exemple.
Pour éviter le nivellement historique sur cette question, et pour prendre la mesure de la tension épistémologique inédite puis réitérée que l’introduction puis l’essor des modèles formels ont historiquement occasionnée au 20ème siècle, il faut d’abord se mettre d’accord sur un caractère particulier de ce que l’on appelle aujourd’hui communément «modèles», au-delà de la diversité, incontestable, de leurs formes et de leurs usages : il s’agit essentiellement de modèles formels, qu’ils soient de nature mathématique, logique ou informatique. On le sait : le recours au terme de modèle pour désigner non plus seulement une maquette en format réduit mais tout type de construit formel servant à faciliter tantôt une représentation, un calcul, une expérimentation, voire la communication entre chercheurs, vient en grande partie de l’essor antérieur des modèles analogiques puis formels dans la physique de la fin du 19ème siècle.
Rappeler ce fait connu ne suffit pas : il est crucial de comprendre aussi qu’en devenant des construits formels, les modèles ont d’une part facilité leur diffusion dans l’ensemble des sciences. Mais ils ont d’autre part semblé brutalement adopter la même forme, voire le même langage que les lois ou que les théories. De cette apparente communauté de nature, il a résulté une concurrence inédite et intense entre ces différents moyens épistémiques de formalisation, en particulier dans les situations où ces moyens (lois, théories, modèles) étaient appliqués à des phénomènes particulièrement complexes, comme les phénomènes du vivant. En physique théorique, cette concurrence, qui a d’abord été l’objet de vives controverses, pourra en revanche être assez vite neutralisée : les fonctions des théories et des modèles pourront finalement y paraître complémentaires. À partir des années 1930, les querelles épistémologiques entre modélistes anglo-saxons et antimodélistes continentaux sembleront ainsi dépassées. L’émergence de la théorie mathématique des modèles servira notamment à confirmer théoriquement l’intérêt du recours aux modèles formels en physique. Mais, dans les domaines où les théories manquent ou sont contestées, le statut des modèles formels persiste à côtoyer dangereusement celui des lois ou des théories. C’est la raison pour laquelle, en particulier dans les sciences à phénomènes complexes, multifactoriels et enchevêtrés, le tournant formel des modèles du début du 20ème siècle a continué à occasionner durablement une réorganisation des rapports entre lois, théories et modèles. Ce fait historique a souvent été inaperçu ou sous-estimé.
Sommaire
- INTRODUCTION
- I. DES LOIS AUX MODELES
- II. RESISTANCE DES THEORIES AUX MODELES
- III. NAISSANCE DES SIMULATIONS
- IV. TOURNANT MATHEMATISTE DES THEORIES
- V. EXTENSION ET DIVERSIFICATION DES MODELES
- CONCLUSION
Disponibilité :
En librairie : https://www.placedeslibraires.fr/listeliv.php?mots_recherche=formaliser+le+vivant&base=allbooks
Via internet : https://www.decitre.fr/livre-pod/formaliser-le-vivant-9782705670894.html ; https://www.priceminister.com/offer/buy/2804598789/formaliser-le-vivant-lois-theories-modeles-format-broche.html